La mission Juice

Cela fait maintenant un mois que le projet JUICE  a été envoyé depuis la Terre vers Jupiter pour étudier l’habitabilité de ces lunes glacées. Elle a son bord plusieurs instruments conçus par 4 laboratoires de PLAS@PAR, pour certains, résident a Sorbonne université. Nous faisons le Zoom sur leurs contributions !

Jupiter et JUICE

Jupiter, la plus massive des planètes de notre système solaire, est aussi celle qui possède le champ magnétique le plus intense (20 fois plus que le champ magnétique terrestre), qui couplé à la rotation rapide (9h 55min) de la planète, constitue un accélérateur de particule hors norme, avec des ceintures de radiations si intenses, que la sonde JUICE ne s'y risquera pas. La magnétosphère géante de Jupiter, bulle magnétique géante résultant de l'interaction entre le vent solaire et le champ magnétique planétaire, produit des émissions radio basses fréquences aussi intenses que celles du Soleil et peut s'étendre jusqu'à Saturne !

Les objectifs de Juice

Un des objectifs principaux de la mission JUICE est de caractériser cette magnétosphère, sa structure et sa dynamique, ainsi que ses interactions électromagnétiques avec les lunes galiléennes, dont elle détaillera de manière comparée l'environnement local. JUICE portera une attention particulière à Ganymède et deviendra la première sonde spatiale à être en orbite une lune autre que la nôtre ! Les instruments RPWI (Radio and Plasma Waves Instrument) et PEP (Particle Environment Package) ont été conçus pour répondre à ces questions, et de nombreux laboratoires français y ont contribué, et en particulier plusieurs laboratoires de la fédération Plas@Par (LPP, LESIA, LERMA et LATMOS).

La suite instrumentale RPWI

Le magnétomètre à induction SCM (Search-Coil Magnetometer), Figure 1, a été développé par l’équipe du LPP en collaboration avec le GEEPS à Sorbonne Université et la DT-INSU, sous la responsabilité scientifique de A. Retinò, Lead Co-I du consortium RPWI, et technique de M. Mansour. SCM fournira pour la première fois des mesures tridimensionnelles des fluctuations magnétiques dans la magnétosphère de Jupiter. B. Cecconi, co-PI du consortium RPWI, est responsable de JENRAGE  (Jovian Environment Radio Astronomy and Ganymede Exploration) qui observera Jupiter et son environnement à travers les ondes radio qu'ils émettent. En complément, un développement de modèles numériques globaux des lunes galiléennes a été entrepris au LATMOS par R. Modolo, en particulier au cours des thèses de L. Leclercq, A. Oza et C. Baskevitch (Figure 2). Ces modèles numériques permettent de restituer les mesures locales faites par RPWI et PEP dans un contexte tridimensionnel, afin d'identifier les phénomènes physiques.

Figure 1: Le modèle de vol de l'instrument SCM avec son préamplificateur en technologie ASIC.

Figure 2 : JUICE explorera l’environnement plasma de Ganymède lors de la dernière phase de la mission. L’interaction Jupiter-Ganymède, illustrée par les ailes d’Alfvèn (surface bleutée), la vitesse de plasma le long de la trajectoire de JUICE (vecteurs colorés) et dans un plan de coupe 2D dans le sillage de la lune, est modélisée par des codes numériques LatHyS et EGM développés au LATMOS.

L’instrument SCM (Search-Coil Magnetometer)


L’instrument SCM est un magnétomètre à induction développé par l’équipe du LPP sous la responsabilité scientifique de A. Retino, Lead Co-I du consortium RPWI, et technique de M. Mansour en collaboration avec le GEEPS à la Sorbonne Université et la DT-INSU. SCM fournira pour la première fois des mesures tridimensionnelles des fluctuations magnétiques dans la magnétosphère de Jupiter permettant des études très novatrices sur des processus fondamentaux tels que la reconnexion magnétique, la turbulence et l'accélération des particules, aujourd'hui largement inexplorés dans les plasmas joviens. L’instrument se compose d’un senseur magnétique tri-axe et d’une électronique développée pour la première fois en technologie ASIC, intégrés à un châssis mécanique très compact et léger (Figure 1), conçus pour fonctionner dans l'environnement extrême de Jupiter. SCM offrira une performance de mesure inédite, notamment grâce sa distance de 8.2 m de la plateforme JUICE le long d’un mât déployable. Les premières mesures SCM réalisées pendant la recette en vol confirment la performance attendue.

L'instrument JENRAGE (Jovian Environment Radio Astronomy and Ganymede Exploration)

L'instrument JENRAGE observe Jupiter et son environnement à travers les ondes radio qu'ils émettent. Ces capacités instrumentales surpassent celles de la sonde Juno, avec la possibilité de retrouver la position de radio sources et leur polarisation. B. Cecconi, astronome-adjoint au LESIA (Laboratoire d'Etudes Spatiales en Astrophysique et Instrumentation), co-PI du consortium RPWI, est responsable de JENRAGE: "notre instrument va permettre d'explorer en détail la magnétosphère de Jupiter, à l'instar de la sonde Cassini autour de Saturne, avec des fonctionnalités de traitement de bord inédites et très innovantes sur un instrument de ce type". 

Les modèles génériques LatHyS (Latmos Hybrid Simulation) et EGM (Exosphere Global Model)

En parallèle de ces activités instrumentales, un développement de modèles numériques globaux des lunes galiléennes a été entrepris (Figure 2). Les modèles génériques LatHyS et EGM permettent de décrire les environnements neutres et ionisés des lunes Europe et Ganymède dans lesquels va évoluer la sonde JUICE. "Ces modèles numériques permettent d'une part de caractériser les régions et frontières intéressantes - et de préparer aux mieux les séquences d'observation - et d'autre part de restituer les mesures locales dans un contexte tridimensionnel afin, in fine, d'identifier les phénomènes physiques relevant des échelles spatiales et temporelles", comme le souligne R. Modolo, professeur au LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Observations Spatiales) et Co-I du consortium RPWI.

En complément des activités ondes et radio de RPWI, le LPP (A. Retinò) et le LATMOS (R. Modolo) apportent une expertise scientifique sur les mesures des particules dans le système jovien en tant que “Associate Scientists” du consortium PEP (Particle Environment Package). 

 

Le groupe instrumental du LERMA-Observatoire de Paris.

Le groupe instrumental du LERMA-Observatoire de Paris a participé à la réalisation de l’instrument SWI (Sub-millimeter Wave Instrument) qui permettra de mieux comprendre la plus grande planète gazeuse du système solaire, Jupiter, et ses lunes glacées Ganymède et Europe, candidats à l’émergences de formes de vies dans les milieux extrêmes. 

La plupart des molécules, présentes dans nôtres systèmes solaires, émettent dans les fréquences proches du Térahertz. Les astronomes cherchent à détecter des signaux extrêmement faibles émis par des molécules et d’en déduire leur dynamique. Cela donnera des informations sur les vents de haute altitude de Jupiter, puis sur la formation des glaces de Ganymède et Europe. Pour cela l’instrument doit réaliser un spectre en fréquence des signatures de molécules, à une résolution spectrale très élevée (10 puissance 7), instantanément, ou pendant un temps très court. L’instrument fonctionne dans le domaine des ondes radio (qui se situent entre l’électronique et l’optique), dans les longueurs d’ondes inférieures au millimètre, à des fréquences très élevées (10 puissance 12 Hertz = Térahertz).

Il n'existe pas à l'heure actuelle de détecteur commerciaux que l’on peut utiliser pour ce type de mesure, c’est pourquoi l’Observatoire de Paris développe en laboratoire des technologies de pointe pour réaliser ces détecteurs à 600 GHz et 1200 GHz.

L’étape initiale est une étape de design, lors de laquelle les ingénieurs utilisent des logiciels qui permettent de simuler le champ électromagnétique de tout petits circuits électroniques, sous l’échelle du micron. Pour la fabrication de ces prototypes les équipes de l’Observatoire de paris travaillent en partenariat avec des grandes centrales de fabrication de nanotechnologie française (le Centre de Nanotechnologies et Nanostructures à Saclay), qui permet de réaliser ces composants par un procédé de déposition de couches minces (de l’ordre de 1000 Angstroms) afin d’obtenir des structures à l'échelle nanométrique.

Pour arriver jusqu'à la mise en place d'un instrument spatial il faut aussi passer par des étapes de prototypage qui sont assez longues et qui sont financées par des fonds de recherche et technologie, et impliquent des ingénieurs de recherche, des enseignants chercheurs, et des étudiants en thèse. 

Dans le projet spatial proprement dit l’équipe a mis en œuvre des méthodologies spécifiques encadrées par les experts des agences spatiales, à savoir le centre d’étude spatial à Toulouse (CNES) mais aussi l’agence spatiale européenne (ESA).  La philosophie de « modèles » consiste à réaliser différentes versions de l’instrument qui valident indépendamment les contraintes (mécanique, thermique, électrique, de qualification). Cela permet de vérifier que l’instrument final résistera à l’environnement radiatif extrême de Jupiter pendant toute la durée de la mission scientifique, depuis le lancement jusqu'à son arrivée vers Jupiter et ses lunes glacées. 

La sonde JUICE est lancée depuis 1 mois, et toute l’équipe d’instrumentation Térahertz est très fière d’avoir pu mener la conception et la fabrication de l’électronique Térahertz de l’instrument SWI !

Le modèle de vol du canal 1200GHz  // Circuit à diode Schottky nanométrique à 1200GHz

Contact

B. Cecconi, baptiste.cecconi@obspm.fr (astronome Observatoire de Paris, LESIA, Meudon)

M. Mansour, malik.mansour@lpp.polytechnique.fr (ingénieur de recherche CNRS, LPP, Palaiseau)

R. Modolo, ronan.modolo@latmos.ipsl.fr (professeur des universités, LATMOS/IPSL, UVSQ Univ. Paris Saclay, SU, CNRS, CNES , Guyancourt/Paris)

A. Retinò, alessandro.retino@lpp.polytechnique.fr (chargé de recherche CNRS, LPP, Palaiseau)